Dreamweaver : fin d’un règne… mais pas de la communauté
Dreamweaver ne fait plus la une des outils de développement. Adobe a cessé d’y investir réellement, et le web moderne est passé à autre chose. Pourtant, derrière ce logiciel un peu figé, une communauté veille encore. Des forums actifs, des passionnés disponibles, des anciens projets maintenus tant bien que mal. Ce n’est pas l’annonce d’une fin : c’est un appel à accompagner ceux qui continuent à l’utiliser, à documenter ce qui peut l’être, à transmettre sans juger.
Une page se tourne
En 2020, lors d’une session de la conférence MAX, l’équipe Adobe a confirmé ce que beaucoup pressentaient : Dreamweaver ne fera plus l’objet de développements majeurs. Le logiciel reste commercialisé, mais ne reçoit désormais que des mises à jour de sécurité et de compatibilité. Plus aucune évolution fonctionnelle, plus de nouveaux modules, plus de lien avec les usages du web actuel.
Pourtant, Dreamweaver figure encore sur le site officiel d’Adobe, avec une page de nouveautés dédiée, et des ressources pour installer ou prolonger son usage. Certaines anciennes versions sont même encore accessibles via des portails comme ProDesignTools. Mais sans compte Creative Cloud actif, l’activation reste bloquante. On peut encore ouvrir Dreamweaver. Mais la route, elle, est balisée jusqu’à un cul-de-sac.
Une communauté fidèle
Dreamweaver n’évolue plus, mais il n’est pas abandonné. Sur le forum officiel d’Adobe, plusieurs contributeurs assurent encore, jour après jour, un précieux soutien aux utilisateurs. On y retrouve des figures bien connues : Osgood, Ben Pleysier, Nancy O’Shea, Jon Fritz, Ben M, ou encore rayek.elfin. Chacun, avec sa voix, ses outils, ses habitudes, répond aux questions, aide à contourner les blocages, et accompagne les utilisateurs dans un environnement de plus en plus figé.
Cet espace d’entraide n’est pas isolé. Certains éditeurs d’extensions historiques proposent encore un support, comme Project Seven (support@projectseven.com, +1 336-374-4611, heures de bureau US), ou WebAssist, dont le forum reste ouvert malgré la baisse d’activité. Le lien se maintient, même ténu, entre ceux qui utilisent encore Dreamweaver au quotidien et ceux qui continuent à transmettre des solutions viables.
Un écosystème éteint… ou presque
Pendant des années, Dreamweaver a été plus qu’un éditeur : c’était un environnement extensible, soutenu par une communauté de développeurs tiers. Des entreprises comme Project Seven, DMX Zone, WebAssist ou InterAKT proposaient des dizaines d’extensions pour enrichir l’éditeur, ajouter des composants dynamiques, générer du code serveur ou créer des interfaces visuelles sur-mesure.
Aujourd’hui, cet écosystème a perdu sa vitalité. Project Seven maintient un support client et quelques extensions HTML/CSS. WebAssist propose encore des téléchargements, mais les mises à jour sont rares. Quant à DMX Zone, ses dernières extensions sont anciennes, bien que l’Extension Manager soit encore disponible.
Le cas d’InterAKT est particulier. Cette société, très active sous l’ère Macromedia, avait développé des outils puissants comme KTML, NeXTensio ou PHAkt, facilitant l’intégration de bases de données dans des pages web. Adobe les a rachetés en 2006 et a brièvement intégré leur technologie dans un ensemble baptisé Adobe Developer Toolbox. Mais ce dernier a disparu dans les années qui ont suivi, laissant les développeurs sans solution équivalente dans Dreamweaver.
Une relève directe : Wappler
Là où Dreamweaver s’est arrêté, Wappler a décidé d’avancer. Conçu par l’équipe de DMX Zone, ce logiciel propose une approche moderne de la création web visuelle, sans sacrifier les standards. On y retrouve une interface graphique, une gestion de pages dynamiques, la prise en charge des bases de données, le responsive design, et même des workflows intégrés côté serveur avec Node.js, PHP, ou encore Docker.
Wappler n’est pas un clone de Dreamweaver : c’est un successeur logique pour ceux qui ont besoin d’un éditeur visuel mais souhaitent s’émanciper d’Adobe. Il permet d’évoluer vers des technologies actuelles, tout en conservant une logique « design+data » familière. Le lien avec Dreamweaver est assumé, mais l’ambition va plus loin : proposer un véritable environnement de développement low-code, ouvert, exportable, et sans dépendance cloud.
D’autres chemins possibles
Wappler n’est pas l’unique alternative. Pour beaucoup, la sortie de Dreamweaver s’est faite par d’autres voies, plus sobres ou plus ciblées. Des éditeurs comme Visual Studio Code, Sublime Text, Notepad++ ou Pinegrow offrent un environnement plus léger, plus ouvert, avec un meilleur suivi des standards et une intégration naturelle dans les outils actuels.
D’autres se sont tournés vers des plateformes de gestion de contenu, comme WordPress, qui permettent de créer des sites sans réécrire tout à la main, tout en gardant un certain contrôle technique (thèmes enfants, blocs personnalisés, shortcodes). Adobe pousse aussi vers d’autres produits comme Portfolio, Behance, Adobe Express, ou encore Experience Manager et Adobe Commerce.
Il n’y a pas de bonne réponse universelle. L’important est de retrouver une autonomie, de pouvoir apprendre, ajuster, corriger, sans être enfermé dans une interface figée.
Des lacunes techniques à ne pas ignorer
Dreamweaver reste utilisé, et parfois avec raison. Dans un cadre éducatif, son interface partagée entre code et rendu visuel permet d’apprendre les bases du HTML, du CSS ou de JavaScript avec un retour immédiat. Pour un débutant, voir l’effet d’un display: flex
ou d’un onclick
sans devoir configurer tout un environnement reste rassurant.
Chez d’autres, plus expérimentés, Dreamweaver reste un outil de gestion centralisé, capable d’orchestrer plusieurs sites web ou applications en simultané. À la manière d’un Adobe Bridge, il permet de passer aisément d’un projet à l’autre, de naviguer dans des environnements distincts, tout en conservant repères, favoris, fragments de code mutualisés, palettes de couleurs, synchronisation avec son espace Creative Cloud.
Cet environnement de travail peut ensuite déléguer certaines tâches à des outils plus spécialisés, mieux adaptés aux exigences actuelles : éditeurs de code modernes, navigateurs de test, clients FTP externes, ou utilitaires d’image. À qui sait s’en servir, Dreamweaver reste un pivot stable dans un écosystème d’outils évolutifs.
Mais ce socle vieillit. Et les lacunes techniques sont nombreuses :
- Bootstrap n’est plus à jour dans l’interface de création par glisser-déposer.
- jQuery, toujours présent dans les modèles, est une version obsolète.
- PHP utilisé dans les fragments serveur n’est plus maintenu selon les normes actuelles.
- Les Server Behaviors ont été retirés, rendant difficile l’insertion de logique dynamique même avec l’accompagnement de certaines extensions.
- Le client FTP est instable ou trop lent dans certaines configurations modernes.
- Le linter CSS/JS intégré ne reconnaît pas les nouvelles propriétés ou structures.
- Le support SCSS est vieillissant, et intègre encore des approches dépréciées.
- Enfin, aucune mise à jour majeure n’est venue corriger ces limites depuis des années.
Utiliser Dreamweaver en 2025 n’est pas impossible. Mais cela suppose de connaître précisément ce qu’il peut encore faire… et ce qu’il ne faut plus lui demander.
Ce qu’il reste à transmettre
Dreamweaver ne trace plus la route, mais il peut encore servir de carte. Ce n’est plus un outil d’avenir, mais c’est parfois un bon outil de départ, ou de gestion. L’essentiel est de ne pas rester enfermé dedans, mais de s’en servir pour mieux comprendre ce qui se passe derrière le code, avant de migrer vers autre chose.
Ce que fait aujourd’hui la communauté – répondre, expliquer, aider à migrer, à nettoyer, à prolonger l’usage sans illusions – est aussi important que ce que faisait l’outil hier. Transmettre, ce n’est pas reproduire à l’identique, c’est accompagner l’évolution, avec pragmatisme et respect.
Dreamweaver aura formé toute une génération. Il peut encore servir de passerelle, tant qu’on garde la main sur la sortie.
Conclusion
Dreamweaver est en sursis, mais il répond toujours présent. Dans des salles de classe, chez des indépendants, sur des forums où l’entraide tient bon. Ce n’est plus un outil tourné vers l’avenir, mais il reste un langage commun, un repère utile pour apprendre, corriger, ou faire le lien.
Ce qui compte aujourd’hui, ce n’est pas de le faire durer. C’est d’aider celles et ceux qui l’utilisent encore à s’y retrouver, à avancer, ou à en sortir dans de bonnes conditions.
Dreamweaver ne bougera plus. Nous, si.